"Prête mots à ta plume"

Le secret de "l'ami pie héraut", c'est qu'il "prête mots à ta plume" ou autrement dit qu'il est source d'inspiration, il permet à la lecture de s'envoler. On notera la construction de "prête mots" qui nous évoque un peu le " prête-nom", une sorte de fausse apparence en l'être qui s'assimile au pseudonyme, au nom de plume. ! Avec ce genre de construction, on est bien dans la langue des oiseaux où les mots se prêtent leur sens. "A ta plume" joue aussi sur le double sens, il s'agit bien sûr de la plume d'écrivain, mais on trouve aussi des plumes sur les pies. Le troisième vers confirme alors la vision de l'oiseau dans le deuxième !

On le voit, les 2eme et 3eme vers forcent les références à l'aérien pour nous faire entendre la langue des oiseaux, pour prêter aux mots tous les sens de la plume. D'ailleurs, le verbe prêter associé à des mots nous évoque le fait de "prêter l'oreille". On est bien avec ce vers dans l'entendement, par la plume empruntée.


"Pour écrire un mot"

Le sens ne change pas, ce vers est le seul qui n'est pas à double sens, car il véhicule la vérité vrai de la chanson : "écrire un mot" (un mot dans le sens de note explicative). Il prend la chanson au mot pour se montrer à découvert ! Sous-entendant, a contrario, qu'à couvert il ne faut pas prendre les mots au pied de la lettre, mais bien plutôt les entendre selon l'être en ailes.

Après avoir attiré notre attention sur de l'obscur éclairé (au clair de la lune), suggéré la présence d'indiscrétions solennelles par le "sol en ailes" (mon ami pie héraut), et un accord inspiré (prête mots à ta plume), l'air entame une autre démarche. Les deux points en final, nous montre qu'il s'agit maintenant d'expliciter la méthode. Ecrire un mot, c'est donné à lire. "Pour écrire un mot" devient "pour donner à lire", ou autrement dit "comment lire d'autres sens". C'est ce que vont nous préciser les vers suivants.


"Mâches chant d'ailes, et mots heurtes"

Par les ailes nous avons une nouvelle allusion aux oiseaux. C'est la troisième en six vers ! on ne peut pas dire que les paroles ne cherchent pas à être explicites en ce qui concerne l'être en l'air dans les lettres chantées par l'air ! Rien à dire, les "secrets" s'expriment vraiment à haute voix". Puisque le chant est mentionné avec les ailes, la référence au chant des oiseaux (chant d'ailes) et donc à la langue des oiseaux apparaît ouvertement (et cela juste après que le chant nous ai prévenu de sens donnés à lire).

L'air nous demande de mâcher ("mâches", forme impérative) ce chant particulier. C'est là une allusion à un travail de bouche. Mâcher, c'est réduire les mets pour les absorber. Ici, il s'agit de l'articulation particulière à apporter à l'entendement, et les mets qu'il faut mâcher sont en fait les "mets sages", les mets du pieux, ce qui nourrit la personne pie.

La mastication évoque également le hachage, le fait de séparer en menus morceaux. Il s'agit bien là d'une des caractéristiques de la langue des oiseaux qui consiste à bien détacher les syllabes pour les réorganiser (gérer lettres ensemble, la mission de "l'héraut"). La chanson éclaire le travail de mastication à opérer, par une deuxième forme impérative "et mots heurtes". Le vers nous incitent à heurter les mots entre eux, sans doute pour les briser menus et mélanger les sens ("le fracas sait"), apprécier les bruits de la mastication par la langue des oiseaux. Ces deux intimations au sens impératif veulent suggérer un double sens intime à découvrir impérativement.


"Jeu n'est plus de feu"

Ce vers nous fait comprendre que le jeu de mots, le jeu du langage caché n'est plus mort (de feu) puisqu'il est bien vivant derrière la chansonnette. On peut aussi citer le mot d'ancien français "defeü" qui signifie méprisable. Auquel cas le jeu n'est plus méprisable, car il révèle un grand art (celui de cacher des mots derrière d'autres... et qui du coup méprise un peu ceux qui ne le voit pas).

Surtout il n'est plus méprisable car il est réalisé par des personnes pies (pieuses) ou encore parce que la méprise en a été sortie. Se méprendre, c'est prendre une chose pour une autre, si le jeu n'est plus méprisable, c'est parce que la langue des oiseaux enlève toute méprise dans l'entendement, car tous les sens sont voulus (comme nous l'avons aperçu avec "l'ami pie héraut"). Ce qui peut paraître méprise est en fait compréhension.

On peut aussi entendre "jeu naît plus de feu", on comprendra alors que par le jeu de la langue des oiseaux, "naît plus de feu", un éclairage nouveau (plus de feu) apparaît (naît)


"Ouvre mots à ta porte"

Puisque le jeu est bien vivant, il ouvre les mots, c'est à dire qu'il les dissèque pour en sortir les sens et "l'essence". A ta porte, se comprend comme à ton esprit. "Ouvre mots à ta porte", signifie alors que le jeu qui n'est plus de feu et d'où naît plus de feu, par les mots, ouvre l'esprit (de jeu de mots il devient jeux d'esprits). La porte suggère aussi le "pas sage", nous retrouvons là un autre point commun avec le Tarot.