Que penser du héraut associé à cette pie si loquace ? A la réflexion l'évocation de ce lecteur de blasons n'a rien d'étonnant. En effet, dans le Tarot, les premières visions des plumes, leurs aspects figurés, sont aussi associées à des blasons et nous transforment nous-mêmes en lecteur d'armes, en une sorte de héraut. Apparemment, la plume s'accommode facilement avec l'héraldique, et l'entendement semble encore plus pertinent au regard des différentes fonctions du héraut.

Défini comme "Officier dont les fonctions étaient la transmission des messages, les proclamations solennelles, l'ordonnance des cérémonies", il prend toute sa véritable ampleur. Officier, il s'inscrit dans la droite lignée du "clerc" (employé par les officiers publics). Transmetteur de messages, il permet à la pie de jaser. Le "pie héraut", transmet des indiscrétions, les bavardages de la pie. Qui plus est, "les proclamations solennelles" dont il chargé, si elles jouent le rôle de versions officielles derrière lesquelles se cachent les versions officieuses, s'entendent surtout comme "déclaration sol en ailes". Autrement dit, dans la version officielle et solennelle, les ailes restent au sol (sol en ailes) dans les apparences, et dans la version officieuse, le sol, note de musique induisant l'idée de chant, s'associe aux ailes pour évoquer le chant des oiseaux (sol en ailes).

Enfin, dernière de ses fonctions, "l'ordonnance des cérémonies", permet au héraut d'organiser le protocole, la manière de recevoir (ici de recevoir les informations de la pie). D'une certaine façon, il gère ainsi "l'être ensemble" ou en d'autres termes, dans la langue des oiseaux, il gère "lettres ensembles", la lecture des sons pour trouver les sens à donner.

Dernier point, ce "pie héraut" se veut notre ami, ou du moins l'ami de chacun. Ami, il se présente comme une "connaissance", un visage à reconnaître. Surtout, en venant en ami, il se défini comme "Personne qui est bien disposée envers une autre ou une collectivité". Non seulement, le héraut est au service de la collectivité par la gestion de l'être ensemble, mais au-delà d'être bien disposé (mis entre les mots), par son éloquence, il va nous disposer toute la méthode de la langue des oiseaux.

S'il vient en ami auprès d'une collectivité, "l'ami pie héraut" est alors aussi celui qui veut se faire reconnaître par un groupe d'initié, en cela ne rejoint-il pas d'une certaine manière, Nicolas Conver, Paul Marteau ou encore l'éditeur Grimaud, eux aussi adeptes du double sens et des passages dérobés ?

Toujours est il que les deux premiers vers sont largement explicites. Références à un savoir en lettres, à des études officieuses, au vol en l'air, à l'éloquence indiscrète, à la transmission de message, à l'organisation de l'être, à une connaissance à retrouver...en 12 syllabes, l'air entonné à de quoi nous rendre l'air étonné, tant la teneur est forte, tant la plume au figuré se fait présente et ostensible.

Cette "paire de vers", initiation de l'air (ce qui le débute) nous apparaît de plus en plus comme véritablement une initiation à l'air. Sans doute nous faut-il alors plus considérer les deux premières rimes comme "une paire de verres", des lunettes (littéralement "petite lunes") pour adapter notre regard.

Citons quand même d'éventuelles autres lectures. En effet, une des forces de la langue des oiseaux est, dans la mesure du possible, de cumuler plusieurs sens dérivés. Cela n'altère pas la force d'un sens en particulier, mais au contraire vient l'accentuer (si ce n'est pas le cas l'hypothèse doit être abandonnée, la lecture n'est certainement pas la bonne).

On peut, par exemple, également entendre "Mon ami pie héros", auquel cas, la pie est glorifiée. A moins que l'on ne penche plutôt pour "mon ami pie air haut", à ce moment là, le chant de la pie (l'air) est particulièrement inspiré par ce qui vient du haut (le divin à rapprocher du pie, personne pieuse, et du clerc rentré dans l'état ecclésiastique) mais aussi s'exprime à pleine voix, à haute voix ("air haut").

Inspiré par l'anagramme de l'Empereur (lame à blason) "plume erre", l'entendement en "mon amie pie erre haut" est tout à fait concevable. Alors, la pie est en recherche spirituelle. Enfin, une lecture en "mon âme y pille air haut", nous montre l'âme comme vecteur du vol (piller, où l'on retrouve d'une certaine manière la pie voleuse, ici dans l'âme) Ce qu'elle vole ce sont bien sûr les sens dans l'air haut, dans le chant inspiré du divin comme dans le chant des oiseaux.

La lecture en "mon ami pie héraut" nous semble le sens premier (en raison de la référence aux blasons, procédé d'initiation calqué sur celui du Tarot). Libre à chacun de choisir ce qui lui semble le plus probant. Observons simplement que ces entendements, dans les sens, sont loin de se contredire, se rejoignant tous dans l'idée d'inspiration élevée, parfois jusqu'au rang d'héros.

Nous voici initiés à certains points de la méthode, et la chanson va continuer à nous former en nous expliquant plus précisément les principes de ce langage secret.