Quant aux noms des exécutants de l'œuvre, ils suivent la même logique d'un entendement spécifique au langage franc-jeu. Ainsi de Nicolas Conver, père de la version initiale dont le nom n'est certainement qu'un pseudonyme, un nom de plume. Ne faut-il pas l'entendre comme "Nie qu'on l'a conver(ti)" ? Ce qui serait une manière d'annoncer que dans ce Tarot particulier, rien n'a été changé, le dessinateur n'a rien modifié, les informations n'ont pas été converties (les dessins se sont faits selon les ordres).

Le Tarot de Nicolas Conver assure ainsi, derrière son nom, l'authenticité de l'œuvre (Il nie la moindre modification). C'est d'ailleurs, peut-être, cet entendement qui a fait que ce Tarot s'est vite imposé comme celui de référence. D'autant plus que le verbe convertir n'est pas étranger aux alchimistes puisqu'il signifie (Vieux ou littéraire) : "Changer (une chose), en une autre" et, comme synonymes, nous trouvons mentionnés : "Transformer, transmuter".

Avec un verbe alchimique affiché derrière son nom (convertir = transmuter), il est clair que Conver parle directement (par le "verbe") à ce type d'initiés. L'allusion, par ce qui a trait dans les dessins (Nicolas Conver), à une éventuelle transmutation, voilà de quoi se faire reconnaître par certains.

En outre, avec cette forme de "taraud", instrument d'apprentissage à la sagesse, Nicolas Conver ne s'inscrit-il pas, par son prénom, dans la logique de Saint Nicolas, celui qui récompense les enfants sages ? Les enfants sages en questions seraient même de petits écoliers à entendre les éditions Grimaud. Dans ce cadre, Nicolas Conver, récompense alors les petits écoliers cherchant la sagesse, c'est bien un initiateur pour le Tarologue. Par le patron (le saint source du patronyme, mais aussi le modèle, celui qui n'a pas été converti), l'auteur qui "trace dessins" devient une "trace des saints".

A moins que, pour les alchimistes, cette affiliation à Nicolas, s'entendent comme une référence au plus célèbre d'entre eux : Nicolas Flamel. Ce dernier est réputé avoir réussi certaines transmutations grâce à un curieux livre. D'origine juive (c'est à dire utilisant les 22 lettres de l'alphabet hébraïque), cet ouvrage, sous forme de 3x7 feuillets (soit 21, le nombre des arcanes majeurs nommés ou numérotés), présentait, selon Nicolas Flamel, de "belles Couvertures, Gravures, Images et Portraits".

Les points communs avec le Tarot sont plus que troublants. Un même nombre de caractères dans l'être (l'écriture en 22 arcanes du Tarot majeurs, les 22 lettres de l'alphabet hébraïque), une même organisation d'ensemble en 3x7, et l'utilisation de "belles images" (précisons tout de suite qu'une anagramme de "image" est "magie", sans doute que Nicolas Flamel comme le Tarot veut ainsi nous signifier de "belles magies").

Serions nous en présence d'une même œuvre ? On pourrait certainement pencher pour cette hypothèse au regard de la matière du livre en question. En effet, celui-ci n'était ni de papier ni de parchemin mais de "déliées écorces (...) gravées au burin de fer". Du bois gravé, voilà qui nous rappelle l'origine des lames, et peut être alors les lames d'origine.

Visiblement et franchement, d'un Nicolas à l'autre, une permanence s'instaure dans le Savoir étudié. On le voit dés le prénom (ce qui est affilié à des Saints) entendu seul, le signataire des lames se montre éloquent. L'essence de la plume, nous en apprend encore plus, cette fois sur ce qui est secrètement véhiculé en son nom.

Ainsi, cette œuvre dessinée par Conver n'est elle pas une certaine forme de Conversion, définie comme "Le fait de passer d'une croyance considérée comme fausse à la vérité présumée" ? La vérité présumée, n'est elle pas dans la vision de l'être que nous propose dés le départ "le Bas te leurre", qui nous parle de croyances fausses ?

A moins que les dessins de Conver ne soient qu'une manière de Converser, c'est à dire de "parler de manière spontanée". D'une manière générale, la spontanéité des paroles, n'est ce pas également converser par la conversion comme nous le propose la langue des oiseaux ? L'action de Conver dans le jeu (illustration des dessins) devient moyen d'action pour le jeu.

Par ailleurs, que penser d'un rapprochement avec le mot "convers" présent, lui aussi, dans le langage franc ? Le dictionnaire définit un frère convers comme la "Personne qui, dans un monastère ou un couvent, se consacre aux travaux manuels". D'une part, nous avons alors à faire à un religieux, ce qui nous conforte dans le discours spirituel, "par les lames", par "des Saints", et par "mets sages", propre au Tarot.

D'autre part ce "frère", s'affilie d'une certaine manière à une fraternité, ou autrement dit, à un petit groupe d'initié. "Le frère convers" devient alors "vers le confrère" et notamment, avec Nicolas Conver, "vers le confrère de Nicolas (Flamel)". Enfin, le frère convers se définit par des travaux manuels, ce qui s'accorde entièrement avec le taraud comme instrument à main et l'idée de manipulation déjà évoquée plus haut.