Voici le premier arcane (le deuxième et dernier sera Le Mat et son absence de nombre) où l'invisible est rendu visible... et où le visible sort de l'invisible.

Pas de lettres visibles ici en bas, mais à bien y regarder, la présence quand même d'une case : la lame de la faux et les têtes en bas s'arrêtent au même niveau que sur les autres lames majeures, laissant la place pour écrire un nom. Si l'une de ces têtes est "écrasée" par le pied du squelette, ne devrait-elle pas plutôt être "recasée" pour nommer l'innomable ?

Alors, est-ce vraiment une disparition ? Ne s'agirait-il pas plutôt d'un recouvrement, d'une fusion, d'un mélange : des lettres noires sur fond noir ? D'ailleurs, avec son pied "enfoncé" dans le sol et qui ne se voit plus, le squelette de l'arcane ne nous parle-t-il pas d'un pied (le nom de l'arcane) "en foncé" ?

L'Arcane ans Nom ne serait-il pas plus proche d'un encrier que d'une page blanche ? Alors "qu'en crier" ? Cherchons des indices dans ce sol le plus riche de tout le Tarot, celui qui nous montre le plus de diversité dans ce qu'on y voit.

Qu'y voit-on ? Pas de "verte herbe" comme sur certaines autres lames. Normal, les "vertèbres" sont ailleurs, dans l'ossature, visible dans le dos du squelette sous la forme d'un épi. Belle allusion à la langue des oiseaux comme ossature dans le dos des arcanes avec ces "vertes herbes" qui poussent dans "les pies" !
Qu'est-ce qui remplace ces vertes herbes au sol ? Des formes jaunes et bleues qui ressemblent plus à de petites flammes qu'à des plantes. De multiples flammes comme dans un "incendie"... pour caractériser "l'un sans dit", celui que l'on ne peut dire car il n'a pas de nom... mais devient de plus en plus parlant.

Quoi d'autre ? Pas de "lettres", certes, mais des bouts et des formes de "l'être" : pieds, mains, têtes et même os. Comme s'il fallait réorganiser tout ça dans cet immense encrier qu'est le sol noir pour réécrire ce que l'on pense ne pas voir. Voilà des morceaux de l'être qui poussent presque naturellement, comme ça pousse dans le dos de l'être avec l'épi.
Chacun de ces morceaux choisis, nous renvoit à l'écrit. Le pied, c'est celui de la poésie, la mesure des vers pour une musique des mots. La main, c'est un ensemble de 25 feuilles, encore une mesure par rapport à l'écrit. En bas, l'arcane gagne, non pas d'une tête, mais de deux têtes pour nous évoquer à nouveau l'écrit avec ce qui est "en têtes"... et remplace "l'entête" de la lame, le nom comme enseigne sur les autres lames.
Quant à "l'os" visible par deux fois, ne serait-il pas à lire comme "sol" : la clé pour écrire une musique et comprendre toute la portée des mots du Tarot, et aussi le "sol", l'endroit où ici se chache l'écrit ? A moins que ces os ne soient des "fémur"... pour ce qui "fait mur" et empêche de lire vraiment le nom des lames en s'arrêtant à l'apparent ?

Car il s'agit bien avec cette lame de retrouver un discernement. Rien ne disparait vaiment, il suffit juste d'un manque de distinction, de l'incapacité à sortir les formes du noir dans lequel elles se fondent. Et ça, l'arcane nous le dit franchement.
Du noir, de l'obscur, le squelette nous en montre..."en tête" : avec son croissant de lune derrière la tête et avec le profil noir caché par les os du "crâne"... qui du coup font "écran". Et puis le nom de la lame, finalement on le voit en toute apparence en bas : c'est "faux", le nom de la lame portée par le squelette !

Eh oui, nous sommes dans le faux à croire que le nom à disparu.
La preuve, si la faux est l'instrument pour la moisson, ici l'arcane ne se nomme d'elle-même en faisant "les moi son" (ou "l'émoi" vu l'étrange sentiment qu'il peut suggérer), son nom propre qui s'éclaire petit à petit dans "l'un sans dit".

Pourquoi faire des pieds et des mains ? Pourquoi perdre la tête ? Pourquoi laisser vierge le "sol" ("l'os" blanc) ? Ce n'est pas une disparition qui est incarnée là, ce squelette couleur chair... est en chair et en os, il reste bien vivant. Les voies du seigneur sont impénétrables, comme ce nom de l'arcane fondu dans le noir, mais simplement, il suffit que l'on voit ce qui est "faux" pour comprendre la lame... sinon, c'est à nous qu'il risque de manquer une case quand on voit l'être cher disparaitre et qu'un manque apparait.

Et puis les lettres n'ont pas complètement disparu ! Il en reste en nombre, tout en haut avec ce "XIII" écrit. Oui l'arcane est très sombre et "très en ombre", mais le peu de lettres qui lui reste suffit à le rendre familier en retrouvant son frère : son frère de "sans", Le Mat (voir introduction du Tarot du nombre).
Lui aussi évoque une disparition avec sa case blanche, mais à lui aussi restent des lettre, cette fois en bas. Ce n'est pas que dans l'invisible que se rejoignent les deux ames, mais aussi dans le visible avec la somme des lettres restantes pour chacun d'eux et l'égalité retrouvée (somme des lettres de "Le Mat" selon la place de l'alphabet égale à celle de "XIII" : 51) pour arriver au "saint quand t'es un" la fusion du haut et du bas pour comprendre ce qui ne se voit pas... en apparence.

Alors pour nous cet "arcane sans nom", c'est plutôt "l'arcane sans non", le refus de croire que non il n'y a pas, que le retour dans le sol ("l'être enfoncé" lors de l'enterrement... pour des "lettres en foncé" dans le sol de l'arcane") implique qu'il n'y ait plus rien à voir.